DES FACTEURS DE RISQUE NOMBREUX
Dans la plupart des cas, on ne sait pas pourquoi une femme est atteinte d'un
cancer du sein.
Le facteur le plus important est l'âge, le risque de cancer du sein
augmente en effet progressivement et de façon linéaire avec
l'âge.
D'autres facteurs peuvent intervenir, comme le nombre de grossesses, l'âge
de survenue de la première grossesse, le nombre d'enfants, les
estrogénes, la prise de pilule estroprogestative, l'âge des
premières règles et l'âge de la ménopause. On
a parlé aussi de l'environnement, du stress, des émotions,
de la personnalité, des traumatismes physiques et de l'alimentation.
Aucun de ces facteurs n'a un rôle suffisant pour compter à
l'échelon individuel.
L'HEREDITE EST AU PREMIER PLAN
Pratiquement, le seul facteur de risque important de cancer du sein est le
risque héréditaire. Ce risque est rare, on pense qu'il intervient
dans 5 % des cancers du sein, soit une fois sur vingt. C'est pour cette
raison que l'on a souvent dit que les cancers du sein n'étaient pas
héréditaires.
En fait, les formes héréditaires des cancers du sein sont connues
depuis des siècles. Ce qui est nouveau, c'est que nous connaissons
à présent certaines anomalies transmissibles, qui donnent ce
risque très important.
On considère qu'il y a un risque héréditaire lorsque,
dans une famille, il y a au moins trois personnes atteintes de cancer du
sein dans la même branche maternelle ou paternelle, ou deux personnes
en cas de forme précoce (avant 40 ans) ou bilatérale. A l'examen
des arbres, le phénotype " cancer du sein " est transmis de façon
autosomique dominante.
L'EXPLICATION BIOLOGIQUE
Le risque est lié à une anomalie sur un des gènes qui
servent normalement à la fonction mammaire. La mutation est survenue
dans les générations antérieures puis transmise de
génération en génération.
Il s'agit d'un risque de cancer du sein, parfois associé à
un risque de cancer de l'ovaire, mais il ne s'agit pas d'un risque d'avoir
n'importe quel cancer.
LES GENES
Trois gènes de susceptibilité aux cancers du sein (ou de l'ovaire)
sont connus actuellement : BRCA1 (breast cancer 1), BRCA2 et P53.
Ce sont des gènes normaux.
Le risque de cancer est lié à des mutations
délétères de ces gènes qui entraînent des
modifications (inactivation) des protéines.
Le gène BRCA1 est localisé sur le bras long du chromosome 17
et le gène P53, sur le bras court du même chromosome. Le gène
BRCA1 a été cloné en septembre 1994, sa fonction n'est
pas encore précisément connue, une centaine de mutations ont
pour l'instant été décrites.
Le gène BRCA2 a été localisé sur le chromosome
13q12-13 en 1994.
Des modifications du gène P53 (délétions ou mutations)
sont très fréquemment impliquées dans la
cancérogenèse humaine, elles conduiraient à l'inactivation
d'une protéine inhibant la prolifération cellulaire. Le gène
P53 intervient cependant de façon exceptionnelle dans les formes
héréditaires, il est associé au syndrome de Li-Fraumeni
(cancer du sein, sarcome, corticosurrénalome, leucémie). BRCA1
et BRCA2 seraient impliqués chacun pour 40 % des cancers du sein
héréditaires. BRCA1 serait impliqué dans 80 % des
associations cancer du sein et ovaire.
Il s'agit d'une mutation constitutionnelle, c'est à dire que toutes
les cellules de l'organisme contiennent le gène anormal. La mutation
peut donc être recherchée à partir de l'extraction de
l'ADN des lymphocytes circulants. Evidemment, pour une personne qui a une
mutation constitutionnelle, le risque de la transmettre est de 50 %. |
QUE FAIRE ?
Actuellement,
quand un risque héréditaire est soupçonné, nous
proposons un prélèvement pour recherche de mutation chez une
personne atteinte de cancer. Cette mutation peut être située
n'importe où sur le gène, elle est donc souvent différente
d'une famille à une autre. Des mutations ont cependant été
décrites avec une particulière fréquence dans certaines
populations (par exemple 185delAG chez les juifs Ashkénazes). Si on
découvre une mutation dans une famille, on peut ensuite la rechercher
chez les personnes apparentées qui n'ont pas de cancer. Les femmes
qui n'ont pas l'anomalie ont un risque de cancer du sein standard calculé
à 7 % pour la vie entière. Les femmes qui ont la mutation
ont un risque qui peut aller jusque 90 % d'avoir au cours de leur vie
un cancer du sein. Le risque de cancer de l'ovaire varie en fonction des
cas, mais peut aller jusque 50 %.
Dans l'état actuel des connaissances, nous n'avons pas de traitement
qui permette d'éviter l'apparition d'un cancer du sein.
Le dépistage des cancers du sein par une
mammographie régulière entre 50 et 70 ans réduit
la mortalité par cancer du sein de 30 % environ. Avant cet âge,
le dépistage est possible, mais son utilité n'est pas
démontrée. Pour les tumeurs de l'ovaire, des tests sont possibles
(examen clinique, dosage du Ca 125, échographie pelvienne) mais ils
ne sont ni sensibles ni spécifiques et sont déconseillés
en dépistage de masse par tous les experts.
QUEL DEPISTAGE ?
Actuellement, pour les femmes qui appartiennent à une famille à
risque héréditaire, et qui sont liées au premier degré
(ou au deuxième degré par un homme) à une personne atteinte
de cancer, nous proposons un dépistage annuel (examen clinique,
mammographie ± échographie) à partir de l'âge de
quarante ans ou à partir de cinq ans avant l'âge de survenue
de la tumeur la plus précoce dans la famille.
En cas de mutation connue dans la famille, il s'agit à l'évidence
d'une prise en charge très spécialisée, compte tenu
des multiples implications de ce diagnostic. La prise en charge individuelle
peut en effet conduire à une chirurgie prophylactique ovarienne, voire
mammaire.
DANS LA REGION
Au laboratoire d'oncologie moléculaire humaine du centre Oscar Lambret
(LOMH), 22 mutations délétères de BRCA1 ont été
découvertes dans 22 familles différentes parmi 84
étudiées. Sept d'entre elles étaient déjà
décrites dans la littérature. Nous commençons dans ces
familles à rendre des résultats de présence ou d'absence
de mutation chez les apparenté(e)s qui le désirent, après
avoir fait deux prélèvements indépendants et une
consultation de psycho-oncologie
Philippe Vennin et Jean-Philippe Peyrat
Centre Oscar Lambret
29/11/97 |